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Internet en Afrique - Pourquoi c'est si cher ? (4ème partie)

          Internet en Afrique - Pourquoi c'est si cher ?                (4ème partie)    
par Anne-Laure Marie de Radio France Internationale
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Arnaud Klein Mercredi 19/11/2008 12:08  
Mots-clés : internet en Afrique, radio france internationale, anne-Laure Marie

Nombreux sont ceux qui l'affirment : l'avenir de l'Internet en Afrique passe par les réseaux sans fil. Et, les membres de l'Atelier des Médias en témoignent, ces technologies sont déjà utilisées dans plusieurs pays du continent, y compris en dehors des villes. Mais sont-elles moins chères pour l'utilisateur et quel type de navigation permettent-elles sur le Net ?
 
Connexion sans fil avec panneau solaire, générateur et ordinateur portable.                                                                   
Certains droits réservés (licence Creative Commons)
 « Des infrastructures téléphoniques fixes peu développées mais un vrai boom du portable depuis la seconde moitié des années 1990… Quand il a fallu envisager le raccordement du Kenya à l'Internet, il était difficile d'opter pour l'ADSL qui se base sur les installations téléphoniques fixes. Il semble donc que le standard privilégié a été le WiMax, un système de connexion haut débit par voie hertzienne. » Résumant un article dont il veut nous faire partager le contenu, le premier à engager la discussion sur les réseaux sans fil pour se connecter à Internet, c'est Sam, membre de l'Atelier des Médias installé à Dakar. Au premier abord, cela paraît tomber sous le sens. Car à part au Sénégal ou peut-être en Côte d'Ivoire qui disposent d'un réseau téléphonique fixe correct, il est vrai que les infrastructures filaires n'ont jamais été l'objet d'investissements suffisants de la part de gouvernements africains confrontés à d'autres priorités. « Il suffit de se balader en Afrique pour voir les fils téléphoniques pendre ou être réparés avec du scotch », raconte Philippe Tintignac, directeur d'Afrique Telecom, qui justifie du même coup le recours à la technologie dont il fait commerce, l'accès satellitaire... Frédéric, du Réseau international des correspondants francophones le confirme depuis Bamako : « les connexions par modem souffrent du manque d'infrastructure et de l'âge des lignes, même problème avec l'ADSL. Les connexions sans fil, soit sur Wifi ou sur des fréquences soumises à licence sont plutôt la règle ». De toutes façons « plus personne n'investit dans le cuivre (1) en Afrique » affirme Laurent Gille de l'école d'ingénieur Telecom Paris-Tech. Sauf là où les réseaux fixes existent déjà. Et c'est alors souvent en complément des infrastructures sans fil, comme l'explique le directeur exécutif d'Orange pour la zone Afrique, Marc Rennard.

Marc Rennard Directeur exécutif d'Orange pour la zone Afrique                                                                                    
"Nous avons beaucoup besoin des réseaux fixes pour assurer ce qu'on appelle la transmission des réseaux mobiles, c'est-à-dire pour connecter chacun de nos points d'émission entre eux."

Alors, le sans fil, voie royale pour le développement d'internet en Afrique ?

« L'Afrique n'est pas très en retard comme beaucoup le pensent, bien que le fossé numérique perdure », témoigne Abdramane, ingénieur informaticien membre de l'Atelier des Médias. « Chez moi au Burkina, les provinces les plus reculées bénéficient des connexions CDMA » (autre technologie sans fil promue par l'Onatel, opérateur historique au Burkina Faso ndlr). « Le WiMax est visible » témoigne Jean-Louis de Kigali. Expert au sein de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique, Sam Paltridge en est persuadé : « personne n'avait prévu l'explosion du téléphone portable en Afrique. Personne ne croit non plus à l'avènement de l'Internet sans fil et pourtant, j'en suis sûr, c'est comme cela que les gens se connecteront demain. » Déjà en Inde, toujours d'après l'OCDE, les abonnés qui se connectent à Internet via des réseaux sans fil sont 5 fois plus nombreux que ceux qui le font à partir de lignes fixes ! Faut-il s'attendre à une évolution comparable en Afrique ? Une chose est sûre : les acteurs économiques sont prêts. Avec quelques centaines d'autres opérateurs, tous membres de la GSM Association, Orange n'a-t-il pas annoncé lors du sommet Connect Africa en octobre 2007 un plan d'équipement mobile de l'Afrique sub-saharienne de 50 milliards de dollars ? A lire les déclarations des industriels, il s'agirait essentiellement d'œuvrer pour le bien des populations : « Les réseaux mobiles, et non les réseaux fixes, sont les seuls offrant une perspective économique viable pour apporter des services haut débit à la plupart de la population mondiale », explique Naguib Sawiris, directeur chez l'opérateur égyptien Orascom, dans une interview accordée à Génération Nouvelles Technologies . Et à la ligne suivante, on peut lire « Mais l'industrie mobile ne pourra délivrer ses services haut débit dans les zones rurales que si elle a accès aux portions de spectre dans les basses fréquences. » En clair, l'industrie mobile voudrait bien avoir la garantie que ses investissements dans les réseaux sont garantis par l'octroi des fréquences adéquates. Si c'est le cas, et que les abonnements sont assez nombreux, alors ils pourront envisager de baisser les tarifs et ainsi de conquérir d'autres clients. Pour le moment, les membres de l'Atelier des Médias savent bien que « l'environnement législatif peu incitatif, notamment pour la voix sur IP et la Wifi et autre connexion sans fil, plombe sérieusement la vulgarisation de l'Internet » comme le rappelle Nahmsath, du Togo. Comme ils savent aussi que si l'espoir d'une baisse des tarifs peut venir des connexions sans fil, le moins que l'on puisse dire est que ce n'est pas encore le cas.

Le sans fil en Côte d'Ivoire : 10 fois le prix d'une heure de connexion dans un cyber                                                          
Du Rwanda, Jean-Louis écrit « la technologie WiMax est utilisée par un des providers (fournisseur d'accès Internet ndlr), il y a plusieurs offres, la moins chère est de 20.000 Francs Rwandais par mois (environ 18,5 Euros) (…) cela monte rapidement en fonction de la vitesse souhaitée. » En Côte d'Ivoire, les tarifs ne paraissent pas non plus de nature à démocratiser l'accès à l'Internet : « Net sans fil : 140 000 Cfa pour deux heures par jour pendant 20 jours », nous dit Anderson, soit une moyenne de 3500 Cfa de l'heure. Dix fois plus cher qu'une heure dans un cybercafé. Aussi Abdramane, qui nous parlait du sans fil en zone rurale au Burkina Faso, se doit-il d'ajouter que si « les gros fournisseurs offrent plusieurs services de connexions, chaque milieu selon ses besoins et ses moyens financiers fait un choix judicieux parmi les offres » et de conclure que « compte tenu du coût, les particuliers optent pour un accès RTC (réseau téléphonique commuté qui offre le débit le plus faible, ndlr). » Et dans les campagnes ? A part quelques rares exceptions, « pour la brousse, ou les pays sans fibre », selon Frédéric de Bamako, « une seule solution les VSAT (antennes satellitaires de très petite taille, ndlr). C'est cher, les prix ne sont pas transparents (on ne sait pas vraiment pour quelle vitesse on paye), ca ne marche pas toujours. Tous les bailleurs de fonds essayent de mettre en place des cybers en brousse, ils fonctionnent le temps où la bande passante est payée par le donneur et ferment dès qu'il faut payer la VSAT (minimum 100 000 FCFA/mois). »

Se connecter via son téléphone portable ?
« Salut, moi je suis journaliste congolais de Kinshasa (…) des opérateurs de téléphonie GSM offrent la possibilité de connexion Internet. On peut utiliser alors son téléphone mobile comme modem pour se connecter avec son ordinateur portable. Avec 5 USD de crédits sur son GSM, on peut avoir presque deux heures de navigation Internet, en évitant si possible les téléchargements lourds ». Deux choses sont particulièrement intéressantes dans ce que nous raconte Franck, depuis la capitale de la République Démocratique du Congo. La première confirme que ce type de connexion sans fil reste réservé à certains budgets et l'autre concerne le débit autorisé par les connexions via les téléphones portables. Un débit limité qui permet essentiellement de relever ses courriels, pas beaucoup plus. D'où les réticences exprimées par la présidente d'Africa'NTI, Annie Chéneau-Loquay vis-à-vis des accès à Internet via les cellulaires

Annie Chéneau Loquay
Directrice de Recherche au Centre National de Recherche Scientifique et Présidente d'Africa NTI
"Ce ne serait pas une solution qui pourrait permettre un Internet de masse"

Le WiMax (pour Worldwide Interoperability for Microwave Access) est une technologie qui permet d'accéder à l'internet haut débit par ondes radio.
Selon l'Union Internationale des Télécommunications, les réseaux WiMax sont couramment utilisés dans neuf pays d'Afrique. Mais ces modes de transmission des données via des antennes relais posent encore un autre problème dans les pays pauvres, selon le Secrétaire Exécutif du Fonds de Solidarité Numérique, « » Au point que, dans certains pays, il est nécessaire de poster un gardien au pied des pylônes, notamment pour surveiller les panneaux solaires qui alimentent les antennes. A l'instar de Laurent Gille, de l'école d'ingénieur Telecom Paris-Tech, Alain Clerc va même plus loin. Selon ces deux spécialistes, tant que les opérateurs téléphoniques feront de tels bénéfices avec le téléphone portable, ils n'investiront pas vraiment dans un lnternet de qualité susceptible, en outre, de permettre aux gens de téléphoner gratuitement !

Le sans-fil moins cher… pour les équipementiers
Les associations qui œuvrent pour le développement de l'Internet dans les pays émergents continuent de tester les technologies sans fil avec l'espoir d'une nouvelle donne qui pourraient faire baisser les prix. Mais, on l'a vu dans les articles précédents de ce dossier sur le prix de l'Internet en Afrique, c'est essentiellement le coût des liaisons internationales qui expliquent les tarifs faramineux payés par les internautes africains. On peut donc conclure avec Isabelle, membre de l'Atelier des Médias à Londres, qu'« une large partie de la couverture médiatique sur le sans fil pour l'accès à Internet en Afrique est réalisée par les équipementiers eux-mêmes qui pensent que l'Afrique présente d'importants potentiels de vente pour des équipements utilisant des technologies sans fil (en comparaison avec l'Europe où le haut-débit est principalement délivré via la technologie ADSL) ». Les connexions haut débit dont les internautes africains ont besoin pour travailler en ligne, suivre des formations à distance, ou faire de vrais échanges avec le reste du monde, passent, elles, encore par l'ADSL. S'il ne s'agit que de relever ses mails à peu de frais, certains, comme le note malicieusement Sam, le font même gratuitement : « à Dakar, peu de gens protègent leur WiFi avec une clé. Du coup, dans pas mal d'endroits on peut se connecter via le réseau du voisin (de préférence avec un portable). Le débit est alors plutôt faible et aléatoire mais ça permet de relever ses mails et de surfer tant bien que mal ! ».

C'est la fin de cette première enquête participative réalisée avec le concours de l'Atelier des Médias, du Réseau international des correspondants francophones et des internautes de Radio France Internationale. Merci à tous pour vos témoignages et n'hésitez pas à réagir sur cette manière de travailler ensemble en cliquant sur le lien « réagir à l'article » ou en vous connectant sur le site de l'émission Atelier des Médias.

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http://www.rfi.fr/actufr/articles/104/article_70406.asp

Anne-Laure Marie



10/12/2008
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