Zacharia Tiemtoré, docteur en sciences de l’éducation
Zacharia Tiemtoré
"Les TIC dans l’éducation en Afrique Subsaharienne : Du mythe à la réalité. Le cas des écoles de formation des enseignants au Burkina Faso", c’est le titre de la thèse de doctorat qu’a soutenue Zacharia Tiemtoré en décembre dernier à l’université de Rennes en France. Zacharia Tiemtoré, docteur en sciences de l’éducation : Les acteurs politiques font du suivisme en matière de politiques des TIC
Pour le nouvel enseignant-chercheur, les principaux acteurs éducatifs ne sont pas prêts pour penser et construire des usages pédagogiques des TIC.
À l’issue de cette soutenance, le jury m’a décerné à l’unanimité les grades de docteur de l’Université Rennes 2 et de docteur de l’Université de Ouagadougou.
- Qui est Zacharia TIEMTORÉ ?
De façon succincte, il faut retenir que je viens d’avoir 30 ans et que je suis actuellement Enseignant-chercheur à l’Université Rennes 2 en France. Docteur en Sciences de l’éducation, diplômé en sociologie et formé en communication et en ingénierie de projet, j’ai travaillé entre 1994 et 2001 comme animateur radio télé, puis journaliste présentateur à la Radiodiffusion nationale du Burkina Faso, avant de mettre mes compétences en matière de communication au service de l’ancienne Chambre des Représentants et de son Président. Aujourd’hui, je m’investis dans la recherche et dans l’enseignement, notamment dans le domaine des technologies de l’éducation et de la formation. En marge de cela, je suis par ailleurs impliqué dans le conseil en communication politique et en développement international.
- Vous avez soutenu récemment une thèse sur les Technologies de l’information et de la communication dans l’éducation (TICE), pourquoi avez-vous entrepris une telle recherche ?
Devant un jury composé de spécialistes des technologies de l’éducation et de la formation, des sciences de l’information et de la communication et du développement, j’ai en effet soutenu une thèse en cotutelle intitulée : les TIC dans l’éducation en Afrique Subsaharienne : Du mythe à la réalité. Le cas des écoles de formation des enseignants au Burkina Faso. À l’issue de cette soutenance, le jury m’a décerné à l’unanimité les grades de docteur de l’Université Rennes 2 et de docteur de l’Université de Ouagadougou.
Particulièrement intéressé par les questions d’éducation et de développement en Afrique Subsaharienne, j’ai conduit cette recherche avec comme principal objectif, de mieux comprendre et mieux appréhender les réalités qui entourent le processus d’intégration des TIC dans l’éducation en milieu défavorisé. Le constat de départ est qu’il existe dans le discours ambiant sur les technologies, une position qui consiste à présenter ces objets techniques comme un levier de développement, voire, comme une chance pour l’Afrique de rattraper son retard par rapport aux pays industrialisés.
Il s’agit là, d’une position qui gagne du terrain et que certains ont tendance à considérer comme une vérité absolue, alors même qu’il n’existe pas encore suffisamment d’études à caractère scientifique pouvant permettre de corroborer cette idée. J’ai donc voulu, et cela après la déception engendrée par les échecs de la télévision éducative et de la radio scolaire, interroger l’espoir de développement lié aux TIC dans le domaine de l’éducation, en m’intéressant au contexte particulier du Burkina Faso, afin de contribuer à poser les bases d’un usage intelligent et efficace de ces outils.
- Quelles sont les principales conclusions de vos travaux ?
La principale conclusion de cette recherche est que l’intégration des TIC dans l’éducation au Burkina Faso comme moyen de résoudre les problèmes structurels et pédagogiques et de rattraper un retard vis-à-vis des pays développés, est une utopie. Il n’est pas possible de penser dans les conditions actuelles, que l’espoir de développement lié aux TIC soit pour l’heure, raisonnablement fondé, tout au moins dans le domaine éducatif.
Cela signifie pour le Burkina Faso qu’il y a de véritables choix à opérer, car entrer dans la société de l’information ou intégrer les TIC dans l’éducation, ne peut pas fonctionner uniquement par décret. Il apparaît aussi que les objectifs et les enjeux de développement imposent en tout point, une dynamique bien différente qui ne s’accommode pas d’une conduite passive ou d’un suivisme résigné.
Il est vrai que le progrès des TIC est un phénomène qui affecte de multiples secteurs de la vie sociale, mais il ne semble pas absurde de penser que la technique ne détermine pas la société, pas plus d’ailleurs que la société de façon solitaire ne définit le cours du changement technique, dont le résultat final est plutôt le fruit d’un ensemble complexe d’interactions. Il existe certes des apports irréfutables limités qui sont liés à l’avancée technologique, mais le plus important semble être la manière dont chaque culture, chaque peuple, se réapproprie la technologie par rapport à son environnement politique, économique, social, mental et culturel.
Les TIC et notamment des applications d’Internet, telle la messagerie électronique, intéressent une partie de la population enseignante, principalement urbaine du Burkina Faso. Elles permettent dans certains cas, de participer aux débats d’actualité, de s’informer, de diffuser des informations, sans que cela ne puisse encore servir le développement global, tant il s’agit de faits marginaux ne concernant qu’une petite minorité.
Face à un avenir difficile à prédire et à des conditions défavorables, il est nécessaire de s’interroger pour savoir s’il faut agir tout de même dans la difficulté de prévoir parce qu’il est trop tôt, ou réfléchir et se rendre compte par la suite qu’il est trop tard pour changer quoi que ce soit.
- A quoi peuvent servir les résultats de votre recherche ?
J’ai une conception de la recherche qui m’amène à penser fortement qu’elle doit pouvoir servir à faire avancer la compréhension d’un phénomène de façon générale et surtout servir de point d’ancrage à l’action, lorsqu’elle concerne des pays en voie de développement. C’est pourquoi d’emblée, j’aimerais pouvoir partager mes réflexions avec d’autres chercheurs et des personnes qui s’intéressent notamment aux relations entre TICE (TIC dans l’éducation et la formation) et développement, dans le but de confronter nos idées et nos approches, ce qui permettra sans aucun doute de faire avancer la recherche pour une meilleure action.
L’étude que j’ai menée a fait ressortir que le processus d’intégration des TIC dans l’éducation au Burkina Faso était fragile et pouvait laisser perplexe au vu d’un certain nombre de faits. Les principaux acteurs éducatifs à savoir les enseignants et les formateurs ne sont ni prêts, ni véritablement motivés pour penser et construire des usages pédagogiques de ces technologies. La visibilité qu’ils ont des apports possibles et de l’intérêt des TICE est floue et alimentée parfois de fantasmes et de mythes.
Quant aux acteurs politiques, ils sont dans ce qu’il conviendrait d’appeler un « suivisme propositionnel » doublé d’un « scepticisme pragmatique ». En d’autres termes, ils suivent le mouvement international autour des TIC, tout en pensant à tort ou à raison, que les priorités sont ailleurs et qu’il y a des projets plus importants et plus urgents.
Conséquence de cette situation, malgré des documents souvent bien élaborés sur l’introduction des TIC dans l’éducation, on constate sur le terrain, l’absence d’une stratégie globale adossée sur un projet clair et des objectifs précis, réalistes et réalisables en termes d’usage des technologies de l’éducation.
Pour être concret, sachez que la compréhension du sujet acquise grâce à cette recherche est un élément fondamental, dans la mesure où cela me permet dorénavant d’apporter légitimement un regard de spécialiste sur ces questions et de conduire des opérations d’expertise, afin d’orienter l’action sur le terrain.
- Quelles sont vos perspectives en tant que chercheur ?
Je voudrais pouvoir poursuivre mes travaux sur l’intégration des TICE en Afrique, afin d’analyser plus finement un certain nombre d’aspects qui sont restés inexplorés. J’ai la conviction que des technologies peuvent être utiles et efficaces en matière d’éducation, mais dans des conditions bien particulières. Par exemple, il me semble primordial de travailler avec des objets techniques déjà bien ancrés dans le milieu et dont le degré d’appropriation par les populations est élevé.
Ensuite, il est nécessaire de construire et d’expérimenter des dispositifs au niveau local, en ayant bien à l’esprit que la technologie en matière d’éducation n’est qu’un "médiatiseur" qui ne remplacera pas l’humain, et qui a d’ailleurs besoin pour donner des résultats optimaux, de personnes formées et expérimentées qui joueront le rôle de facilitateur ou de médiateur.
En tout état de cause, j’espère pouvoir réunir assez vite les conditions pour aller plus loin dans la réflexion et dans l’action. Aujourd’hui, je suis bien évidemment disposé à accompagner des structures et des organismes qui œuvrent dans le domaine des TICE en Afrique ou en milieu défavorisé de façon plus large, pour concevoir, réaliser et conduire des projets efficaces avec des résultats concrets et pérennes.
Source : Lefaso.net
Interview réalisée par Cyriaque Paré
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